jeudi 17 février 2011

IV. Rôle de la déglutition dans la

morphogenèse faciale
IV.1    Dans des conditions physiologiques
IV.1.1    La croissance maxillaire normale

-        Pour ce qui concerne la déglutition seule, les conditions de croissance maxillaire équilibrée sont alors représentées par :

1)     Postures :

a.      orificielles ou le déterminant antérieur labial de l'occlusion ;

b.     linguo-mandibulaire ou la position de repos linguale en innoclusion physiologique habituelle.

2)     Fonctions : la dynamique du temps buccal de la déglutition conditionnée elle-même par la posture d'origine :

a.      Rappelons que la première image motrice d'une séquence praxique est la posture de repos. De ce fait, c'est la langue qui pour une grande part modèle la voûte palatine et les procès alvéolaires maxillaires, au même titre que l'oeil est le conformateur orbitaire (COULY).
IV.1.2    La croissance mandibulaire normale

-        C'est l'occlusion dentaire qui fournit l'information réciproque entre le maxillaire et la mandibulaire et qui préside à leur croissance coordonnée (modèle cybernétique de PETROVIC) avec le maxillaire comme la grandeur à suivre pour la mandibule, et ce pour la recherche d'un contact incisif sécant grâce à l'action des ptérygoïdiens externes ;

-        Les "informateurs" de la mandibule, nécessaires au maintien d'un engrènement occlusal sont :

o      les facteurs labiaux : ils permettent à la mandibule de se situer sagittalement non seulement lors de la déglutition, mais aussi en posture d'innoclusion de repos ;

o      les facteurs linguaux : outre l'équilibre dento-alvéolaire dans la "zone neutre" intervient la situation adéquate du dôme lingual (déjà citée) ;

o      l'engrènement occlusal, par la proprioception ligamentaire et articulaire.
IV.2    Dans des conditions pathologiques
IV.2.1    La rétromandibulie fonctionnelle

-        La persistance au-delà de l'âge de 4 ans, de la succion-déglutition fera prolonger la séquence motrice axée sur les abaisseurs-rétropulseurs mandibulaires avec les conséquences suivantes :

1)     Au maxillaire :

i.       une pression buccinatrice maximale attirée par le vide intra-buccal, entraînant une linguoversion alvéolo-dentaire prémolo-molaire ;

j.       aggravant les conséquences d'une langue basse, sans appui palatin et non sollicitatrice de la suture inter-maxillaire ;

k.      la voûte palatine ne peut alors atteindre la largeur nécessaire pour le flux aérien passant par les fosses nasales et nécessaire à leur développement ;

l.       dès lors, un cercle vicieux s'installe : la filière respiratoire buccale oblige l'enfant à préserver un couloir entre langue et palais ce qui entraîne la "glossoptose" (GUDIN) et qui met en jeu et de façon excessive, le digastrique (abaisseur et rétracteur mandibulaire) ainsi que ses muscles synergiques du plancher ;

m.    la lèvre peut venir s'interposer entre les incisives pour permettre l'étanchéité buccale lors de la succion-déglutition. La perception extéroceptive du contact bilabial est désormais impossible.

n.      une hypertrophie des végétations adénoïdes peut amplifier ce cercle vicieux en modifiant quelque peu la séquence pathogénique et réaliser le classique "faciès adénoïdien".

2)     A la mandibule :

o.     les ptérygoïdiens externes n'interviennent plus et ne solliciteront pas la croissance mandibulaire ;

p.     l'anomalie posturale deviendra une rétrognathie vraie.
IV.2.2    La promandibulie fonctionnelle

-        Le schéma d'explication peut être celui de la transformation d'une "promandibulie psychogène" (GUDIN) en prognathie vraie :

à l'hyperactivité des ptérygoïdiens externes s'associe le relâchement des SG, élévateurs du dôme lingual ;

cette langue constamment basse et en avant entraîne progressivement une hypoplasie maxillaire ;

rapidement l'arcade maxillaire est débordée antérieurement et latéralement par celle mandibulaire et ne joue plus son rôle de "grandeur à suivre" ;

ce tableau est très souvent associé à une hypertrophie originelle des amygdales.
IV.2.3    Anomalies alvéolaires

-        Ces anomalies sont associées à des degrés divers et selon le type de succion-déglutition ;

L'infraalvéolie incisive :

a.      elle est rattachée plus volontiers à un trouble fonctionnel ;

b.     la béance antérieure du "suceur de pouce" induit et pérennise une tétée linguale ;

c.      elle s'accompagne d'anomalies diverses des axes dentaires.

L'infraalvéolie latérale :

d.     L'interposition linguale latérale survient soit au cours de la posture de repos soit lors de la déglutition.

L'endoalvéolie molaire supérieure associée à l'infraalvéolie molaire :

e.      l'interposition linguale aboutit à une arcade alvéolaire supérieure étroite associée à une insuffisance de la hauteur faciale inférieure postérieure.

L'endoalvéolie molaire supérieure et l'exoalvéolie molaire inférieure :

f.       elles se retrouvent associées dans le syndrome de langue basse ;

g.      il est évident que nombre de ces anomalies basales et alvéolo-dentaire peuvent être associées.
IV.2.4    Approche morpho-psychologique

-        Selon les concepts fonctionnels de la morphogenèse, la déglutition (ou la succion-déglutition), indéfiniment répétée selon un schéma individuel conduit à l'élaboration d'un type de morphologie faciale ;

-        Ces types faciaux traduisent dans une certaine mesure, le "profil psychologique" ;

-        L'établissement du lien entre ces deux énoncés a été tenté et l'est encore par des approches morpho-psychologiques (CORMAN, GRIMBERT) ;

-        DEFFEZ présente cette démarche selon le raisonnement suivant :

o      1'acte nutritionnel du nourrisson est systématisable en trois phases : quête, capture et ingestion ;

o      la prédominance posturale de la capture ou de l'ingestion sécurisante traduit une personnalité profonde, en même temps qu'elle peut constituer l'image motrice d'une parafonction secondaire ;

o      ainsi, le prognathe :

o      privilégie la capture et fait prédominer ses ptérygoïdiens externes, ses GG et ses GH (protracteurs et abaisseurs de la langue mobile) ;

o      alors que le rétrognathe :

o      privilégie le troisième temps et fait prédominer les abaisseurs mandibulaires et la glossoptose active, au point d'en faire sa posture habituelle préalable indispensable à la tétée de sécurisation.
V.    Exploration du temps buccal de la déglutition
V.1    Bilan fonctionnel

-        La thérapeutique orthodontique dépasse le cadre de la séméiologie occlusale et morphologique. Elle intègre les données fonctionnelles et leurs éventuelles actions étiopathogéniques. Pour ce faire, un bilan fonctionnel systématique est indispensable ;

-        Il comporte :

o      l'entretien avec l'enfant et les parents ;

o      les examens :

1.     exo-buccal ;

2.     endo-buccal ;

3.     de la mécanique respiratoire ;

4.     de la déglutition ;

5.     de la phonation.

o      Puis, le bilan des postures inadéquates, des parafonctions et des dysfonctions.
V.1.1    La posture linguale de repos

-      Le seul moyen de visualisation de celle-ci est une approche endo-buccale sans l'influencer ;

-        C'est la méthode phonétique qui paraît la plus fidèle et précise (DELACHAPELLE).
V.1.2    Identification du mode de déglutition

-        L'idéal serait de pouvoir reconnaître les 2 modes de déglutition par le simple examen exo-buccal sans perturber son cours normal ;

-        Nous rappelons aussi la possibilité de suivre cette fonction par la radio-cinématographie ainsi que par l'IRM cinétique, deux méthodes lourdes et appliquées à la recherche.
V.1.2.1    Les signes exo-buccaux de la déglutition arcades serrées

absence de crispation péri-buccale ;

les premiers signes sont une stabilité ou une légère diminution de la distance nez-menton, confirmée par la mise en tension des masséters (palpation des régions goniaques) ;

le signe de l'élévation du dôme lingual est l'apparition d'un angle cervico-pelvi-mandibulaire droit, remplaçant l'angle obtus habituel chez l'enfant ;

la fin du temps buccal correspond à la descente du cartilage thyroïdien.
V.1.2.2    Les signes exo-buccaux de la succion-déglutition

1)     les lèvres en contact étroit, souvent aidées par l'ascension de la lèvre inférieure voire même de son aspiration en cas de surplomb important ;

2)     1'herméticité apico-labiale est possible ;

3)     la contraction massétérine est absente ;

4)     la mandibule est abaissée, ceci étant objectivé par l'augmentation de la distance nez-menton ;

5)     l'angle cervico-pelvi-mandibulaire reste obtus.
V.1.3    Les dysfonctions labio-linguales

-        L'étanchéité labiale inférieure du rétrognathe :

o      L'ascension de cette lèvre portée par la musculature mentonnière est très caractéristique ;

o      La supraclusie est souvent associée à la rétrognathie.

-        L'étanchéité apico-linguale du rétrognathe :

o      Elle est rencontrée dans un tableau de béance antérieure associée ;

o      C'est celle de l'enfant à tétine ou du tic de succion linguale.

-        L'étanchéité apico-linguale et labiale des faces longues (béances squelettiques) :

o      Elle est réalisée avec une forte contraction mentonnière (menton en peau d'orange).

-        L'étanchéité bilabiale du prognathe :

o      La dynamique linguale y est basse, avec une prédominance des GG qui plaquent l'apex lingual contre les incisives inférieures ;

-        Cette liste ne peut être exhaustive puisque les associations pathologiques posturo-dynamiques, responsables des dysmorphoses les plus diverses sont multiples.
V.2    Le cas du suceur du pouce

-        De nombreux auteurs se sont intéressés à l'action dysmorphogénétique de la succion digitale ;

-        Il semble, selon les études statistiques (CHATEAU, FRAUDET et DEFFEZ) que l'action mécanique de la succion digitale n'est pas un rôle prédominant dans les déformations des arcades ;

-        C'est son association avec les dysfonctions linguales, avec le cortège d'anomalies posturales de la langue qui lui fait mériter sa réputation ;

-        Il y a en effet, pérennisation de la succion-déglutition salivaire extra-prandiale et une posture linguale basse capable quant à elle d'induire une croissance en rotation postérieure de la mandibule ;

-        DEFFEZ reconnaît la nécessité de la suppression de la succion digitale au cours du traitement orthodontique, sans lui accorder la priorité à la mise en place d'un appareillage. Bien au contraire, il compte sur la modification des sensations intra-buccales, induite par l'appareillage. Il va même jusqu'à préconiser la prescription d'anxiolytiques légers au repas du soir, la première semaine du traitement, afin de minorer la double contrainte de l'abandon d'une habitude chère, et du port de l'appareillage gênant à court terme ;

-        D'autre part, il distingue les "succions-habitudes" (95% des cas) des "succions-nécessités" (5%) et dont l'abord psychologique est primordial. Chez le premier groupe, la perte de cette habitude aidera considérablement à la maturation psycho-affective du jeune patient ;

-        SCHWARTZ cite différents facteurs capables de gêner l'enfant dans l'abandon de la succion digitale :

o      les facteurs intrinsèques :

1.     troubles émotionnels (anxiété, phobies,...) ;

2.     troubles de la régulation des comportements (l'hyperactivité) ;

3.     l'incapacité de l'enfant à s'investir d'une image positive.

o      les facteurs extrinsèques :

1.     les relations familiales et les réponses de l'entourage face à ce comportement; ainsi ce geste peut être le seul recours de l'enfant dans un statut fragile de protection du "bébé" ;

2.     une provocation alimentant la relation enfant-parents sur un mode passif-agressif.

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